3ème Congrès ordinaire d’IRA – Mauritanie, 27-28 janvier 2018 Dénommé : Mère Houleye Sall ; Thème : « Pour une meilleure décentralisation du combat. »

Mesdames et messieurs les invités, militantes et militants d’IRA – Mauritanie, honorable assistance !

 

Il y a six années, dès mars 2012, vous me confiez, au cours d’une assemblée pareille, de présider et conduire notre organisation, en vertu du mandat que vous vous êtes tracé. La feuille de route comportait, en première ligne, une lutte sans atermoiement ni concession, par le droit et l’expression non-violente,  contre toutes les violations des droits humains en Mauritanie ; les crimes et délits d’esclavage et de racisme coiffaient la liste de vos priorités ; sans avoir besoin de le préciser, vous me chargiez de porter l’indignation et l’espérance du peuplement noir dans notre pays, et les déshérités issus de la communauté dominante,  pour accélérer leur marche vers l’émancipation et l’accès aux leviers du pouvoir dont des siècles d’exploitation et de mépris le privaient.

 

Cette recommandation était doublée d’une autre qui stipule la pratique de la subversion idéologique. Déconstruire la matrice de légitimation morale des inégalités de naissance requerrait, de nous, une attaque frontale et multiforme, contre la religiosité où se bricole le mensonge de l’esclavage comme expression d’une volonté de Dieu. Nous avons mené et réussi l’offensive contre la version travestie du Figh des hommes, qui constitue, à la fois la source et le foyer de reproduction des injustices, de race et de caste, notamment au sein de la société maure.

 

Ce faisant, grâce à l’audace que porte toute conviction juste, nous réussissions, tous, à enraciner dans le quotidien de nos compatriotes, l’image d’un mouvement de droits civiques et de dissidence intellectuelle ; sa visibilité et la prégnance de son action favorisent la dynamique globale vers la citoyenneté, certes non sans accrocs et sacrifices.

 

Le troisième axe, troisième et guère des moindres, comportait une patiente œuvre de vulgarisation à l’échelle du monde, par les voies de la diplomatie, de la communication de masse et aux travers de la présence sur les forums internationaux ; hors du pays, nous diffusions, avec succès, l’objection et la réfutation à la parole de l’Etat de Mauritanie qui associe occultation, déformation et mensonge, sur la réalité des pratiques de racisme et d’esclavage et leurs implications quotidienne dans la conduite des politiques publiques. Nous démontrions alors combien le gouvernement et ses relais du bloc ethno-tribal mentent, fraudent et contrefont la réalité, à contresens des instruments du droit international qu’ils s’empressent de signer et/ou ratifier, pour mieux en retarder l’application. C’est sans doute sur cet aspect de divulgation que notre effort  produit les résultats les plus décisifs. La reconnaissance et la crédibilité du mouvement s’appuie sur une série de distinctions dont le prix des Nations-Unies pour les droits de l’Homme, en 2013.

 

 

Au cours du mandat qui expire, suivant votre orientation, nous avons popularisé les sit-in, marches et grèves de la faim, afin d’accentuer la pression sur le centre de pouvoir et l’isoler dans la posture de la coercition. Nos rassemblements et marches pacifiques ont souvent contraint les autorités judiciaires, de sécurité et de l’administration territoriale, à poursuivre les contrevenants aux lois et conventions qui pénalisent l’esclavage, le racisme et l’usage de la torture. Nos différentes sections sur l’étendue du territoire ont assisté et libéré, directement ou par ricochet, des mineurs et majeurs des deux sexes, la plupart des femmes, filles et fillettes. Indirectement, l’activisme de l’IRA participe de la dynamique nationale d’éveil aux droits humains et de prise de conscience politique parmi les cadets sociaux.

 

L’essor de la contre-culture, que l’esclave rebelle arbore désormais sur son front fier, atteignait son point d’orgue, en avril 2012, dans l’acte salvateur d’incinération assumée, du code négrier. Oui, cette ignominie écrite, des générations de religieux, artisans ou complices de crime contre l’humanité, l’érigeaient (toujours) en dogme infaillible et se transmettent l’enseignement, comme une relique révérée.  L’insurrection par les mots et le geste a raffermi les rangs des abolitionnistes et stimulé leur désir de frapper la domination, au cœur. Il nous appartient de conforter l’offensive, par une campagne d’enrôlement massif à l’état-civil, en témoignage de notre soustraction volontaire à l’anonymat qui aliène et maintient l’échine courbée.

 

De cette fortune retentissante, il nous arriva aussi de récolter le fruit d’amertume : en plus de la torture de nos militants et de leur emprisonnement répétitif, nous dûmes subir de sporadiques défections dans nos rangs, qu’un flot d’adhésion constant venait combler. Nous avons survécu à un environnement très hostile où la compétition et l’hostilité des segments conservateurs, croisaient, souvent, les ambitions et faiblesses de certains de nos membres. A maintes reprises, les renseignements généraux nous enlevèrent certains de nos membres ou tirèrent profit de notre baisse de vigilance pour nous infiltrer et dresser contre nous, nombre de nos alliés objectifs. Aujourd’hui, nous apprenons de nos erreurs et tirons, de cet aveu autocritique, la force de nous réformer et concentrer sur les objectifs principaux du combat, loin des diversions, de l’orgueil individuel et de l’improvisation. Certains des camarades qui nous ont quittés ou avec lequel le lien organique s’est distendu à la suite d’un malentendu,  restent des nôtres, s’ils sont toujours sincères et acquis aux principes de notre lutte. Je vous demande de renouer avec eux le fil de la discussion et de la collaboration sur le terrain, en prélude à leur retour.

 

Nous rendons ici hommage à toutes les militantes et militants, compagnons de route et sympathisants de l’ombre qui ont commencé ce parcours à nos côtés ou le rejoignent, à ceux décédés avant d’assister à la consécration, ni même voir se réaliser des victoires ponctuelles sur la société et l’Etat, je promets l’abnégation et la patience dans l’épreuve.  Qu’il me soit permis, enfin, de rendre l’hommage de la solidarité internationaliste et de l’humanisme engagés,  à toutes les sections IRA en Afrique, Europe, Amérique du Nord et Asie, avec un accent de gratitude aux amis étrangers sans qui nous ne serions aujourd’hui si audibles.

 

Demain, dès la fin de ce congrès que nous dédions à une grande dame, Mère Houleye SALL compatriote exemplaire en son refus de l’impunité, se rappellent, à nous, les objectifs en souffrance ; je citerai l’adhésion de notre pays aux Statuts de Rome créant la Cour pénale internationale (Cpi), l’abolition de la peine de mort notamment pour les délits et crimes d’expression et de conscience. Notre code pénal est saturé de motifs à torturer et tuer ; en ce sens, il encourage les pratiques sociales de l’hypocrisie, du faux et de la dissimulation.

 

Vive IRA – Mauritanie,

vive l’alternative non violente en Mauritanie

Sur la foi de l’avenir d’égalité et d’équité auquel nous tendons passionnément, sachons nous souvenir, toujours, qui nous sommes et d’où nous venons !!

Biram Dah ABEID

 

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