La décapitation d’IRA ou la danse des esclavagistes !

Ils se frottent aujourd’hui tous la main…Les Ehel Bouh, les Ehel Abdallah, les Ehel Mohamed Salem, et tant de familles esclavagistes qui en ont toujours voulu à des mouvements, comme SOS Esclaves ou comme IRA, pour les avoir traînés pour la première fois devant les juridictions. Aujourd’hui, ils sont heureux de la revanche sur ces mouvements, servis par un Etat qui a décidé de mettre toute sa machine répressive et judiciaire au service de  l’ordre esclavagiste, assuré dorénavant de toute la plénitude de son pouvoir nocif.
En décidant de décapiter le mouvement IRA, en prenant en otage tout son bureau exécutif, le régime poursuit un scénario d’épuration qui vise à assurer à sa coterie esclavagiste la tranquillité de son ordre tutélaire. Et cela a demandé un véritable conseil de guerre avec pour exécutants, les renseignements généraux et le ministère de la justice qui coiffe une armée de procureurs et des juges mis au pas.
Comme il ne suffisait pas de condamner à de lourdes peines les militants d’IRA, on les éloigne aujourd’hui à plus de 1.000 Km de Nouakchott, loin de leurs familles, de leurs avocats, de leurs juges naturels, mais surtout de toute structure de santé. En plein désert, dans la prison de Bir-Moghreïn, ils purgeront une réclusion forcée, dans ce qui s’apparente à un nouveau mouroir pour opposants politiques. Ce qui augure déjà du verdict attendu à l’Appel. Un recours qui une fois de plus se passera hors de leur juridiction naturelle, c’est-à-dire Nouakchott. L’intention des autorités politiques, dont la justice n’est que la main armée, est désormais claire. Tuer le mouvement IRA et vouer son président à un exil forcé.
Les militants d’IRA vivent ainsi le drame d’un pays qui fait du surplace depuis l’arrivée des militaires au pouvoir en 1978. Un pays qui semble dénué de toute mémoire et qui porte son histoire comme Sisyphe porte son rocher. L’esclavage est un tabou que les régimes successifs en Mauritanie entretiennent comme un patrimoine culturel intangible dont les pourfendeurs sont voués aux fers et aux cachots.
Dans les années 80, ce sont les membres du mouvement El Hor qui ont été traînés devant les tribunaux pour avoir protesté contre la vente d’une esclave à Atar. En 1998, ce sont deux avocats, Me Brahim Ebetty et Me Fatimata MBaye, ainsi que deux défenseurs des droits de l’homme, le Pr.Cheikh Saad Bouh Kamara, président à l’époque de l’AMDH (Association mauritanienne des droits de l’homme) et l’architecte Boubacar Messaoud de SOS Esclaves, qui ont été mis aux bancs des accusés, alors qu’ils luttaient pour la promotion des droits de l’homme et l’éradication de l’esclavage. Ils ont été inculpés pour un documentaire diffusé sur France 3 parlant de l’esclavage en Mauritanie. Le magistrat qui avait jugé l’affaire, Sidi Ali Ould Bijaye, face à son refus d’entendre les deux femmes esclaves objets du reportage, Aïchana Beilil et MBarka, aura l’argument suivant : «pour moi, l’esclavage n’existe pas parce que la loi (1980) le dit. Il est inutile d’en parler. Ce dossier de l’esclavage est clos, il est définitivement réglé. La seule chose qui nous intéresse est de savoir s’il y a eu faux ou non…Vérifier si une femme est ou non, a été ou n’a pas été esclave, n’a aucune utilité. L’esclavage de toutes les façons, n’existe plus depuis son abolition en 1980.  Le problème est réglé une fois pour toutes. Nous, Magistrats, nous avons le devoir de sanctionner tous ceux qui sont déferrés devant nous et accusés d’esclavage. Mais en dehors de cette circonstance, nous, Magistrats, n’avons pas le droit de parler d’esclavage, parce qu’il n’y en a plus, par l’effet de la loi…Il est juridiquement interdit de parler de l’esclavage comme pratique existant » (In Lettre hebdomadaire de la FIDH de février 1998 – Benedicte Chesnelong, avocate et chargée de mission du bureau exécutif de la FIDH sur sa couverture du procès).
Seize  années plus tard, il fallait se rendre à l’évidence. Le système esclavagiste démontre qu’il reste inexpugnable, malgré une batterie de dispositions juridiques et institutionnelles, telle la loi de 2007 criminalisant l’esclavage et l’élévation du fléau comme crime contre l’humanité dans la Constitution. A défaut de mettre les maîtres esclavagistes au pas, ce sont les antiesclavagistes qui feront les frais de la répression judiciaire.

Cheikh Aidara

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