Calamités

Après cinq jours de leur déguerpissement de la Gazra Bouamatou, les 470 familles vivent dans des conditions de dénuement et de souffrance inimaginables. Des tonnes de baraquements, d’outils de toutes provenances et de haillons tapissent les abords du goudron menant vers le quartier populaire de Dubaï où se sont entassés pèle-mêle hommes, femmes et enfants complètement éreintés par trois rudes journées d’interminables errements. 

Selon Ma’atala, un rescapé des affrontements du mercredi 29 juin 2016, «la situation est comme vous la voyez. Nous avons été transportés de force et jetés comme des ordures ici. Sans eau ni nourriture. Nous serons peut être largués sur le bout de ces autres dunes pour refaire notre calvaire commencé il ya plus de vingt de là où les autorités viennent de nous chasser ». Aux dernières nouvelles, une commission aurait été constituée pour aller placer ces 470 familles sur un site parsemé de dunes dans une zone peu aménagée où tout est encore à refaire. Pour des familles qui fondaient tous leurs espoirs sur une Gazra occupée pendant vingt quatre ans lorsqu’elle n’était encore que dunes désertées et probables loups affamés.

 Les affrontements du mercredi constituent un précédent dangereux quelles que soient les thèses que les uns et les autres avancent. Manipulation de certaines forces de l’ombre ou fabrication officielle pour accabler ou justifier des arrestations afin de prémunir contre certaines turpitudes prévisibles au cours du prochain sommet Arabe prévu entre le 27 et le 29 juillet.  Dans tous les cas, des milliers de pauvres citoyens ont été les dindons d’une mauvaise farce face à laquelle ni personnalités ni partis politiques ni organisations à quelques exceptions près n’ont véritablement réagi. Les communiqués à tout va timidement balancés ici et là ne suffisent pas. Pour ce qui semble être simple pour certain : casser impunément du pauvre, cela peut constituer la goutte qui fait déborder  le vase d’injustice, de privation et de marginalisation. 

Un Etat fort ne fléchit pas devant n’importe quelle adversité. Un Etat normal ne s’affole pas devant n’importe quelle situation.  Un Etat respectable ne maltraite pas les plus faibles de ses citoyens. Si tant est le prétexte est une histoire de Gazra dont les plus grands spécialistes sont habituellement les hommes et femmes les plus puissants de ce pays. Si Nouakchott étouffe aujourd’hui sans places publiques, sans espaces verts, sans issues de secours, c’est justement à causes des puissants ‘’gazreurs’’ qui ont tout squatté sur leur passage. Avec la complicité des plus hautes autorités chargées de la gestion de ces patrimoines publics. La Gazra est un phénomène très mauritanien. Injustifiable. Certes. En tout. Envers tout. Normalement. Or, ici, tout se squatte. Les postes administratifs. Les postes électifs. Les grades militaires. 

Qu’est ce qui n’a pas été squatté en Mauritanie ? Même le pouvoir n’a pas été épargné. L’affaire de la Gazra de l’hôpital Ould Bouamatou est une histoire grave qui avait pu dégénérer en on ne sait quoi. Sa gestion par les autorités a été catastrophique. Les déclarations très imprécises du ministre de la Culture et du Wali de Nouakchott Ouest sont peu convaincantes voire provocatrices. Les éternelles thèses du complot et de la manipulation par des mouvements et des organisations ennemis de la nation sont révolues et ne convainquent plus personne. Ce n’est pas comme ça que se mange l’omoplate puisque celui qui a rempli sa bouche de farine doit savoir la mouiller. Plutôt que d’essayer de faire porter l’échec de ses mauvaises politiques aux autres.

Sneiba El Kory

Biram Dah ABEID

Président de l’Initiative de Résurgence du Mouvement Abolitionniste (IRA-Mauritanie)

President of the anti-slavery NGO IRA – Mauritania


Prix de l’ONU pour la cause des droits de l’homme, 2013 
United Nations Human Rights Prize, 2013

Prix Front Line Defenders pour défenseurs des droits de l’homme en danger, 2013
Front Line Defenders Award, 2013

Prix de la ville de Weimar pour les droits de l’homme, 2011
Human Rights Prize of the city of Weimar, 2011


Tel: 0022 247 57 67 97

       0022 232 00 24 25

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