Encore une fois, Aziz « le chef des Maures » embastille Birame le « Prétentieux Hartani »
Mohamed Abdel Aziz vient de faire coffrer pour la énième fois, Birame Dah Abeid, le leader abolitionniste, à quelques encablures d’élections où ce dernier est candidat pour la députation au nom de la coalition RAG-Sawab !
Plus de dix ans que les deux hommes s’affrontent sur le terrain de l’entêtement, de l’impétuosité et des coups de sang, au gré des situations internes ou des contingences internationales. D’un côté, Mohamed Abdel Aziz, qui a troqué ses origines lougatois pour ses racines Inchirois, celles de ses aïeux. Chef de l’Etat de la République Islamique de Mauritanie par la force de deux coups d’Etat anticonstitutionnels et de deux coups de scrutin sulfureux. Ould Abdel Aziz, Chef des Armées, institution qui tient la Mauritanie en coupe réglée depuis plus de quatre décennies, mais aussi Ould Abdel Aziz, Chef de la Haute magistrature qui mène au doigt et à l’œil un appareil judiciaire qui n’a que rarement goûté à l’indépendance de ses décisions. Un Mohamed Abdel Aziz, Chef des Salafos dans un pays livré ces dernières décennies aux courants religieux d’obédience wahabites et Chef des tribus maures dans une Mauritanie qui a renoué avec le tribalisme le plus grégaire, avec une vision plus sectaire, plus raciste et plus anti-nègre que l’histoire du pays a jamais connu. Un Ould Abdel Aziz qui déteste trois choses, les entêtés comme lui, la presse et les Négros (harratine et Kwars). Un Ould Abdel Aziz, manœuvrier qui a su cohabiter ses réalisations grandioses (grandes infrastructures), avec sa boulimie sans nul autre pareil à investir le champ économique, tout en maintenant le peuple dans une pauvreté servile et à manier le bâton et la carotte vis-à-vis de ses opposants. En bon tacticien, il a su le premier s’improviser champion de la lutte antiterroriste, faisant de lui un pion indispensable dans un Sahel où ses paires ont préféré saigné à blanc leur pays que de bâtir une véritable armée nationale. Un Ould Abdel Aziz enfin qui a fait le lit de tous les extrémismes maures, et qui est parvenu en deux décennies à dénégrifier l’administration publique et les corps armées et de sécurité.
De l’autre, Birame Dah Abeid, greffier de profession, dans un système judiciaire où le haut de la hiérarchie est tenu par les « Zwayas », fils et petit-fils de marabouts généralement issus de ce Trarza qui l’a vu naître. Un Birame qui n’a jamais digéré cette hiérarchie de classe qui confinait sa mère et plusieurs de ses siens dans des fonctions d’esclaves au service de familles oligarchiques maures qui avaient tout, et eux rien. Un Birame rebelle qui cherchera dans les méandres d’une Mauritanie où la bonne ou la mauvaise naissance vaut promotion ou disgrâce sociale, à se frayer un chemin, portant en bandoulière depuis le jeune âge, son combat pour l’égalité et la fin de la servilité. Il flirtera un moment avec les Islamistes, avant de s’apercevoir qu’ils ne portaient pas l’idéal égalitaire de l’Islam qu’il cherchait, puis s’engagea avec quelques mouvements anti-esclavage, sans jamais que leur démarche conciliante et molle à ses yeux ne purent assouvir le feu de la révolte qui couvait en lui. On lui prête des accointances avec le PRDS de Maaouiya Sid’Ahmed Taya, auteur de pogroms contre les Négro-africains dans les années 89-90 et ses détracteurs le décrivent comme un dangereux subversif, sinon un « marchand de la cause esclavagiste ». En créant en 2008 le mouvement IRA (Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste), les Mauritaniens découvrent une forme tout à fait nouvelle de lutte contre l’esclavage, sit-in devant les commissariats, libérations tous azimuts, actions coup de poing, discours radical et impétueux…Le courant IRA fait trembler les socles d’une société esclavagiste jusque-là peu inquiétée par les soubresauts timides de mouvements qui l’avait précédé. Avec un discours agressif, une démarche provocatrice avec un zeste d’arrogance sous-tendue par un courage à tout rompe, IRA devint le nouveau phénomène de société qui marqua les années 2000. « Weilkoum Jakoum Biram » devint un leitmotiv pour dépeindre la peur que la lutte contre l’esclavage avait pris sous ses auspices. Beaucoup de familles maures se résolurent à ne même plus faire travailler des filles harratines…Mais la société maure réagit pour mettre un terme au phénomène Birame et sa cohorte de déchaînées. Une longue série de répressions, arrestations, emprisonnements, poursuites, furent lancés contre IRA et ses dirigeants, sur toute la décennie passée. Pendant ce temps, Birame avait étalé ses tentacules sur deux continents. Des branches IRA fleurirent dans toutes les capitales européennes et dans plusieurs provinces aux USA, en même temps qu’il enfilait les reconnaissances et les prix internationaux, dont le Prix des Nations Unies 2013 pour les droits de l’homme. A mi-chemin, beaucoup de cadres d’IRA trahiront la cause, sous les efforts d’un régime qui leur offrait promotion, argent et poste administratif. En prélude aux présidentielles de 2014, une aile politique fut créée au sein du mouvement IRA, le parti RAG qui ne sera jamais reconnu. Néanmoins, Birame se présenta aux présidentielles en candidat libre et arriva deuxième, derrière le président sortant.
Aujourd’hui, IRA est parvenue à sceller un accord gagnant-gagnant avec le parti Sawab. Une alliance qui a été décriée par l’aile négro-africaine du mouvement qui ne tardera pas à crier trahison. Tête de liste pour la députation au nom de la coalition, l’entrée de Birame au Parlement est ainsi perçue par le système comme une catastrophe. Ce serait lui offrir une tribune libre et une immunité pour cinq longues années, mais aussi une honorabilité qui ne ferait qu’augmenter son assise sur le plan international.
D’où l’hypothèse d’un complot savamment ourdi pour mettre Birame à l’écart de consultations où le pouvoir de Mohamed Abdel Aziz ne compte lui donner la moindre chance pour devenir député.
Cheikh Aïdara