Mauritanie: Inquiétude sur le sort des activistes arrêtés
« En notre qualité de membre du mécanisme national de prévention de la torture(MNP) , nous avons décidé de procéder à des visites aux lieux de détention pour nous informer des conditions de détention de personnes arrêtées et afin de prévenir la torture et tout autre traitement inhumain ou dégradant conformément à la loi 034/2105 instituant un mécanisme national de prévention de la torture. »
C’est ce qu’a déclaré dimanche M. Boubacar Messaoud, président de SOS-esclaves, et membre de la commission nationale de prévention de la torture
«Devant le refus répété et injustifiable de autorités concernées de nous permettre le libre accès aux lieux de détentions, force a été de constater qu’il nous était impossible d’effectuer notre mission dans ces conditions. » A-t-il poursuivi. Trouvant que l’attitude, des autorités viole les dispositions pourtant claires de la loi 034/2105 qui garantit aux membres du MNP le libre accès aux personnes privées de liberté sans aucun préavis et à tout moment et dans tous les lieux, Ould Messaoud a confié : « Je soupçonne que si on nous refuse d’accéder à ces gens c’est parce qu’on les interroge de manière particulière pour leur arracher des aveux. ».
Dimanche, SOS-esclaves et plusieurs Organisations nationales des Droits de l’Homme ont publié avec Amnesty International, Anti Savery Inaternational et Minority Right Groups une note d’alerte intitulé « Déplacement forcé de civils, arrestations et isolement d’opposants, présomption de mauvais traitements. » Ces organisations qui ont souhaité « une enquête diligente pour situer la responsabilité des graves incidents du 29 et 30 juin 2016 » ont estimé que « rien ne justifie le maintien, en détention des victimes de déguerpissement, et de militants anti-esclavagistes. »
Samedi, l’Initiative de Résurgence du mouvement Abolitionniste en Mauritanie (IRA) a indiqué que les arrestations se poursuivent dans ses rangs. Dans une note d’information envoyée tard dans la soirée du samedi à partir l’adresse e-mail de Biram Dah Abeid, Président du mouvement, le servie de communication a parlé de « vague de kidnappings qui continue de déferler sur les militants d’IRA-Mauritanie portant à 15 le nombre de personnes disparues. » L’IRA a appelé par ailleurs «toutes les forces progressistes nationales éprises des droits de la personne humaine et de la paix civile ainsi que la communauté internationale à s’ériger contre et à dénoncer cette série de disparitions orchestrées par l’Etat. »
Au sujet de la présomption de mauvais traitement, Madame Tahra Mint Hembara, autre membre du MNP, a confié que la commission n’est pas encore entrée dans ses prérogatives pour pouvoir émettre des déclarations. « Je peux toutefois demander à voir les prévenues et essayer de m’informer de leur situation dans leurs lieux de détentions si j’arrive à le savoir. » A dit Mint Hembara qui a rappelé que les membres du MNP ont prêté serment il y a seulement quelques jours et ne disposent pas encore de cartes d’accréditation.
De son côté Maître Brahim Ould Ebety, avocat connu pour son engagement en faveur des droits de l’homme, a relevé que cette vague d’arrestation est irrégulière dans la mesure où elle « se fait à l’insu du parquet ». « Quand on arrête une personne, cela doit se faire sous l’autorité du procureur. Mais je crains que ces arrestations qui ont eu lieu sans aucune charge annoncée contre les prévenus ne cachent des intentions politiques. » A-t-il déclaré.
Depuis le 30 juin, au lendemain de violents accrochages entre policiers et citoyens dans un quartier de Nouakchott, les autorités se livrent à une série d’arrestations ciblant des membres de l’organisation IRA. Ces accrochages ont été occasionnés par une opération de déménagements de populations issues de la communauté harratine, composée essentiellement de descendants d’anciens esclaves noirs en Mauritanie. Le gouvernement a pointé du doigt l’organisation IRA, dirigée par l’activiste fraichement sorti de prison Birame Dah Abeid.
Vukasin Petrovic, Directeur des programmes Afrique de Freedom House avait réagi aux premières arrestations dans une déclaration envoyée le 3 juillet aux médias pour dire que «l’intimidation et la violence continuent à viser les militants anti-esclavagistes en Mauritanie en dépit des déclarations du gouvernement proclamant que des réformes sont en cours pour réduire la pratique de l’esclavage.»
Kissima