Mauritanie : Dégradation de l’état de santé de M. Biram Ould Dah Abeid, président de l’IRA-Mauritanie, en détention à la prison d’Aleg depuis le 11 novembre 2014
L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante en Mauritanie.
Nouvelles informations :
L’Observatoire a été informé par des sources fiables de la dégradation de l’état de santé de M. Biram Ould Dah Abeid, président de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA-Mauritanie), en détention à la prison d’Aleg depuis le 11 novembre 2014 aux côtés de M. Brahim Ould Bilal Ramdane, vice-président de l’IRA-Mauritanie.
Selon les informations reçues, M. Biram Ould Dah Abeid souffre d’une hernie discale, d’hypertension, de douleurs sérieuses à l’abdomen, et présente des troubles graves du sommeil. Il souffre également de vertiges réguliers et éprouve de grandes difficultés à se déplacer.
Selon les mêmes informations, le 25 août 2015, M. Biram Ould Dah Abeid a été admis à l’hôpital d’Aleg suite à de vives douleurs au dos et à la jambe. Le médecin chef de l’hôpital d’Aleg qui l’a examiné aurait indiqué qu’il devait être transféré de manière urgente vers l’hôpital de Nouakchott.
L’Observatoire s’inquiète par ailleurs d’informations selon lesquelles M. Biram Ould Dah Abeid n’aurait plus accès à des soins médicaux en détention et ne pourrait pratiquement plus recevoir de visites. Seule sa femme est aujourd’hui autorisée à lui rendre visite deux fois par semaine afin de lui apporter de la nourriture, M. Ould Dah Abeid n’étant pas convenablement nourri par l’administration pénitentiaire. Enfin, M. Ould Dah Abeid serait gardé par quatre à cinq gardes quotidiennement et serait dans l’impossibilité de sortir de sa cellule.
L’Observatoire exprime sa vive inquiétude au regard de la détérioration de l’état de santé de M. Biram Ould Dah Abeid, et appelle les autorités mauritaniennes à procéder à son transfert immédiat vers l’hôpital de Nouakchott afin qu’il reçoive des soins appropriés.
Rappel des faits :
Le 7 novembre 2014, MM. Biram Ould Dah Ould Abeid, Brahim Bilal Ramdhane, Khattri Rahel, président du Comité de la paix de l’IRA-Mauritanie, Cheikh Vall, militant antiabolitionniste, Abidine Matalla, membre du bureau exécutif de l’IRA-Mauritanie, Samba Diagana et Hassane Mahmoud, membres du Comité de la paix de l’IRA-Mauritanie, Mohamed Yacoub, membre de l’IRA-Mauritanie, M. Dah Boushab, président de la section d’Arafat de l’IRA Mauritanie, ainsi que M. Djiby Sow, ont lancé une caravane sillonnant le pays afin de dénoncer « l’esclavage foncier et les expropriations foncières », un système qui contraint les membres de la communauté Haratine à devenir des travailleurs agricoles sur leurs terres ancestrales.
M. Biram Ould Dah Abeid a été arrêté le 11 novembre 2014, alors qu’il venait de rejoindre la caravane à l’entrée de la ville de Rosso. Les neuf autres organisateurs ont également été arrêtés ce jour-là.
Le 12 novembre, la police a fermé le siège de l’IRA à Nouakchott. L’IRA-Mauritanie qui n’avait jamais reçu d’autorisation officielle en dépit de ses demandes répétées était sous la menace d’une telle interdiction à tout moment, ce que le bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme en Mauritanie dénonce comme « une application arbitraire de la loi » [1].
Le 14 novembre 2014, MM. Biram Ould Dah Abeid, Brahim Ould Bilal Ramdane, Khattri Rahel, Cheikh Vall, Abidine Matalla, Samba Diagana, Hassane Mahmoud, et Mohamed Yacoub ont comparu devant le procureur de Rosso puis devant le juge d’instruction, qui les a inculpés pour « attroupement et rébellion », « incitation à la révolte » et « refus d’exécuter les ordres des autorités administratives » [2]. Ces derniers ont été transférés à la prison de Rosso, tandis que MM. Djiby Sow et Dah Boushab ont été placés sous contrôle judiciaire.
Le 24 décembre 2014, le parquet de Rosso a requis cinq ans de prison ferme contre M. Biram Ould Dah Abeid et huit autres militants de l’IRA-Mauritanie pour « appartenance à une organisation non reconnue » et « rassemblement non autorisé ». M. Djiby Sow, était lui aussi poursuivi pour « rassemblement non autorisé ».
Le 15 janvier 2015, la Cour correctionnelle de Rosso a condamné MM. Djiby Sow, Biram Ould Dah Abeid et Brahim Ould Bilal Ramdane à deux ans de prison, pour « appartenance à une organisation non reconnue » et « rassemblement non autorisé ». Les sept autres inculpés ont été acquittés et libérés le même jour.
Malgré l’appel interjeté par les avocats des défenseurs, aucune date de procès n’a à ce jour été fixée.
Le 3 mars 2015, des calculs rénaux ont été diagnostiqués chez M. Djiby Sow. En dépit de la demande de son médecin de faire pratiquer un scanner, celui-ci n’a pu en bénéficier que dix jours plus tard.
Sur la période du 8 au 22 juin 2015, M. Sow a été admis trois fois en service de réanimation à l’hôpital de Nouakchott, avant d’être systématiquement reconduit en prison malgré un état de santé préoccupant dû à des conditions de détention déplorables.
Le 17 juin 2015, M. Sow, qui n’a pas été autorisé à sortir de prison, n’a pas pu subir l’intervention chirurgicale dont il devait bénéficier ce jour-là.
Le 26 juin 2015, les autorités judiciaires mauritaniennes ont ordonné la libération provisoire de M. Sow, en raison de ses conditions de santé très précaires.
Actions requises :
L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités mauritaniennes en leur demandant de :
i. Procéder au transfert immédiat de M. Biram Ould Dah Abeid à l’hôpital de Nouakchott, afin qu’il reçoive les soins appropriés et garantir en toutes circonstances son intégrité physique et psychologique ainsi que celle de M. Brahim Ould Bilal Ramdane, et de tous les défenseurs des droits de l’Homme mauritaniens ;
ii. Libérer de manière immédiate et inconditionnelle M. Biram Ould Dah Abeid et M. Brahim Ould Bilal Ramdane, en ce que leur arrestation et leur détention ne semblent viser qu’à sanctionner leurs activités de défense des droits de l’Homme ;
iii. Mettre un terme à toute forme de harcèlement à leur encontre, ainsi qu’à celle de tous les défenseurs des droits de l’Homme en Mauritanie, afin qu’ils puissent exercer leur profession et mener leur activité de défense des droits de l’Homme librement et sans entrave ;
iv. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement :
− son article 1 qui stipule que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation de tous les droits de l’Homme et de toutes les libertés fondamentales aux niveaux national et international” ;
− son article 9.1 qui énonce que « dans l’exercice des droits de l’homme et des libertés fondamentales, y compris le droit de promouvoir et protéger les droits de l’homme visés dans la présente Déclaration, chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de disposer d’un recours effectif et de bénéficier d’une protection en cas de violation de ces droits » ;
− et son article 12.3 qui prévoit que « chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, d’être efficacement protégé par la législation nationale quand il réagit par des moyens pacifiques contre des activités et actes, y compris ceux résultant d’omissions, imputables à l’État et ayant entraîné des violations des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que contre des actes de violence perpétrés par des groupes ou individus qui entravent l’exercice des droits de l’homme et des libertés fondamentales. » ;
v. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la Mauritanie.
Adresses utiles :
• S.E M. Mohamed Ould Abdel Aziz, Président de la République Islamique de Mauritanie, Ministère du Secrétariat Général à la Présidence, B.P.184- Nouakchott, Tél : 00 222 525 70 29/ 4525 20 10 ; Fax : 00 222 525 85 52
• M. Mohamed Ould Mohamed Raré, Ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation de la République Islamique de Mauritanie : BP 195 – Nouakchott – Mauritanie – Téléphone : + 222 525 15 84 ; fax : + 222 529 09 89 mail : mmelhadi@interieur.gov.mr ; leminesidi@yahoo.fr
• Sidi Ould Zeïne, Ministre de la Justice de la République Islamique de Mauritanie, B.P.350- Nouakchott, Tél : 00222 5258204/7002, Fax : 00 222 525 70 02
• M. Cheikh Tourad Ould Abdel Malick, Directeur des droits de l’Homme, Commission nationale des droits de l’Homme, Email : ctmohamed2000@yahoo.fr
• S.E. Ambassadeur Mme Salka mint Yamar, Mission permanente de la Mauritanie auprès de l’Office des Nations unies à Genève, Rue de l’Ancien-Port 14, 1201 Genève, Suisse. Fax : +41 22 906 18 41. Email : mission.mauritania@ties.itu.int
• Ambassade de la Mauritanie à Bruxelles, Avenue de la Colombie 6, 1000 Bruxelles, Belgique. Fax : +32 2 672 20 51, info@amb-mauritania.be
Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de Mauritanie dans vos pays respectifs.
Paris-Genève, le 19 octobre 2015
Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.
L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.
Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :
· E-mail : Appeals@fidh-omct.org
· Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 25 18 / 33 1 43 55 18 80
· Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29