Mauritanie: des manquements soulignés Eradication de l’esclavage
Dune Voices – La Mauritanie a adopté, il y a un an, une feuille de route visant à mettre fin définitivement aux séquelles de l’esclavage. La feuille de route sera appliquée en collaboration avec l’Organisation des Nations Unies et avec la participation de la Société civile. Mais, les souffrances des victimes persistent encore. Notamment ceux qui, grâce aux organisations antiesclavagistes, se sont affranchis récemment.
Maatalla a 40 ans. Il vient d’être affranchi. Il dit qu’il «constitue un exemple des victimes de l’esclavage du passé récent, qui sont aujourd’hui victimes de l’ignorance, du chômage, des maladies et du sous-développement».
Sa sœur Fatimetou serait dans la même situation. Elle a 10 enfants. Les deux anciens esclaves disent qu’ils n’ont bénéficié d’aucun dédommagement, pourtant mentionné dans la feuille de route.
Maatalla déclare: «Nos enfants ne peuvent pas accéder à l’éducation, faute de papiers d’identité».
Maatallah et sa sœur sont affranchis grâce à l’ONG antiesclavagiste «SOS Esclaves». Celle-ci leur fournit une assistance financière et morale. Notamment pour leur permettre l’accès à l’éducation, aux vivres, à l’emploi et à l’état-civil.
L’adoption par la Mauritanie de la nouvelle feuille de route vient dans le cadre d’une série de réformes visant à réprimer l’esclavage et ses séquelles. Ces réformes ont concerné l’arsenal juridique. Ainsi, la pratique est incriminée en 2007. Elle est requalifiée, en 2012, de «crime contre l’Humanité».
Le traitement du crime de l’esclavage suscite un «fossé entre les concernés». Le pouvoir nie l’existence de l’esclavage. Il lutte, de facto, contre «les séquelles de l’esclavage». Les militants des droits de l’homme, quant à eux, luttent contre ce qu’ils qualifient d’«esclavage traditionnel».
Dr Saad Ould Louleïd est leader à l’Initiative de Résurgence du Mouvement antiabolitionniste en Mauritanie (IRA-Mauritanie), association non reconnue par l’Etat. Il était inculpé et poursuivi pour avoir été solidaire avec les abolitionnistes condamnés et prisonniers pour deux ans. Il nie que la feuille de route vient pour éliminer les séquelles de l’esclavage. «Il s’agit», selon lui, «d’une opération de camouflage délibérée effectuée par le pouvoir en place».
Le gouvernement mauritanien avait adopté le 6 mars 2014, «une feuille de route de lutte contre les séquelles de l’esclavage» au lieu de la lutte contre l’esclavage lui-même.
La feuille de route est constituée de 29 recommandations. Elle redéfinit l’esclavage, d’une manière plus précise. Elle mentionne le droit des anciens esclaves à l’indemnisation, l’insertion et l’assistance. Elle couvre la période entre septembre 2014 et août 2016.
Indépendamment des réactions négatives par rapport au plan d’action, les responsables le qualifient de «grande évolution». Me Mohamed Ould Laghdhaf, Responsable de Communication de la Commission nationale des Droits de l’Homme (CNDH, officielle) déclare: «Il nous a fallu d’énormes pressions pour aboutir à la feuille de route, sous sa forme actuelle».
Pour sa part, Boubacar Ould Messaoud, président de «SOS Esclaves», pense que «cette feuille de route n’a aucune utilité tant qu’elle ne mentionne pas le droit pour les organisations de la défense des droits de l’homme de se constituer parties civiles dans les affaires liées aux pratiques esclavagistes». Selon lui «la mauvaise formation des victimes ne leur permet pas de se défendre et de plaider leur cause devant les tribunaux».