Droits de l’homme : De l’espoir démocratique, à une nouvelle dictature militaro-judiciaire
Birame Ould Abeid et des militants de l’association Kaawtal, condamnés à de la prison ferme, par le tribunal de Rosso, Aminetou Mint El Moctar dans le collimateur de la légalité mauritanienne, les marcheurs de Kaédi gazés il y a quelques mois à leur entrée dans Nouakchott, Boubacar Ould Messaoud violenté dans une manifestation pacifique… La liste commence à s’allonger de militants manifestant (légalement de surcroît) et réprimés dans la violence policière, et l’injustice d’état.
En Mauritanie, les violeurs, voleurs, les tortionnaires, les assassins, les gabegistes, les paralyseurs fils de présidents, les voyous-agresseurs-de-journalistes-neveux-de-président, les islamistes preneurs d’otages, sortent indemnes des filets judiciaires, mais pas les défenseurs pacifiques de droits humains.
Ils n’en auront pas eu pour leur argent, nos partenaires de l’union européenne : Les murs des différents palais de justice du pays sont encore frais de la réfection des enceintes de nos lieux de justice, financés par leurs soins. Une aide matérielle, qui aurait pu, symboliquement, marquer le renouveau en profondeur des principes d’une justice sans indépendance, sans juges courageux, sans justice. Mais non ; voilà un joli fruit en apparence, rongé par un ver aux apparats militaires, qui en a fait un pouvoir en laisse, aux bottes de son béret.
Le tribunal de la cour criminelle de Rosso a condamné il y a bientôt deux semaines, quelques acteurs de la caravane qui manifestait légalement à l’entrée de Rosso il y a deux mois et demi, pour remettre une simple lettre au préfet, par rapport à la situation de l’esclavage foncier en Mauritanie. Dans le lot des condamnés à de la prison ferme, le président de l’IRA, Birame Ould Abeid, qui n’était que de passage à Rosso pour Dakar, avant de s’envoler en Europe pour des soins. Figurent également son vice-président Mohamed Ould Bilal, et Djibi Sow, président de l’ONG Kaawtal Yélitaré. Le crime de ces messieurs ? Aucun, si ce n’est le vœu à travers un courrier, de mettre sur la table des débats, la question de l’esclavage foncier, véritable situation d’esclavage moderne, pérennisé de fait par un système d’état encore à l’heure de l’archaïsme. Le pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz y a vu une occasion de sanctionner son opposant le plus dangereux vis-à-vis d’un système d’exploitation séculaire.
Le 24 décembre dernier, au moment du premier jour de procès de cette affaire, Aminetou Mint El Moctar, présidente de l’association des femmes chefs de famille (AFCF), comparaissait également devant un juge. Elle aussi, connaît comme seul tort d’être une fervente défenseuse des droits humains en Mauritanie. Parallèlement, les menaces de mort s’accumulent, par courrier, par téléphone, suite à une fatwa impunément émise par un Yehdih Ould Dahi, chef d’un courant islamiste radical mauritanien dénommé “Ahbab Errassoul” (les amis du prophète- ndlr) qui appelle à son meurtre depuis que cette dernière a pris la défense d’Ould Mkheytir. «C’est un agent de renseignement et il est mandaté pour ça. Vous savez mieux que moi qu’une personne qui lance un appel au meurtre est en crime. Le fait de donner l’adresse de ma maison, la description de ma voiture et son numéro, mes numéros de téléphone et l’adresse de mes bureaux est un crime prémédité. Et malgré la plainte porté depuis le jeudi l’autorité que je rends responsable de tout ce qui pourrait m’arriver, n’a rien fait pour arrêter ce criminel» exposait il y a quelques semaines la présidente de l’AFCF.
Il y a une dizaine de jours, c’est Boubacar Ould Messaoud qui était touché par des éclats de grenade lacrymogène, lors d’une manifestation pacifique qui réclamait la libération des détenus d’opinion de Rosso. A ce moment on se dit que les autorités ne contrôlent plus rien. Et certaines analyses de la situation politique du pays prennent sens : «Aziz veut faire imploser socialement le pays pour, dans la pagaille, tenter de sauver comme il peut, le pouvoir financier, qu’il a accumulé durant ces dernières années». Quitte à brûler le pays, et le regarder de Marrakech se consumer.
Quel message envoie-t-on à la société composite mauritanienne? Des assassins avérés, des tortionnaires siègent aux côtés du président, et à cause d’une loi d’amnistie, demeurent intouchables. Le fils du président paralyse une fille sans conséquences. Ses neveux tabassent un journaliste de la place, toujours sans conséquences, des islamistes prennent en otage et causent des blessés, encore sans conséquences.
Imaginons que Birame et ses comparses décident d’user de cette violence pour réclamer leur libération, étant dans une situation d’injustice et de népotisme total. Que se passerait-il? Ils seraient probablement abattus sur le champ, et on plaiderait la légitime défense. Cette justice à double vitesse, raciale aussi, comme le rappelait Birame Ould Abeid dans cet entretien accordé à Mozaikrim, porte les germes des craintes les plus profondes d’un pacifiste comme Boubacar Ould Messaoud, qui craignait légitimement, de voir une génération émerger, qui estimerait qu’elle n’aurait plus rien à perdre, et foncerait tête baissée… Vers un bain de sang.
En ce sens, plus que jamais, il est temps que les mauritaniens se parlent, s’écoutent, et comprennent que quelque mauvaise voie que prend ce pays, elle est la résultante d’un système, qui faillit depuis une trentaine d’années, et qui atteint aujourd’hui des proportions inouïes dans son ignominie.